
La santé sexuelle, quand la dépression s’en mêle
PAR VICKIE RUEL, STAGIAIRE AU BACCALAURÉAT EN SEXOLOGIE
6 avril 2016
Le couple est-il assez fort pour survivre lorsqu’un des partenaires sombre dans la dépression ? De quelle façon la dépression peut-elle influencer les relations amoureuses, la vie sexuelle à deux ?
Certains facteurs tels que le soutien du partenaire, la communication au sein du couple et une meilleure compréhension de la maladie semblent jouer un rôle clé pour que cette période difficile se déroule au mieux pour chacun des partenaires.
L’histoire de Jessica et de Sébastien (prénoms fictifs) permettra d’illustrer les différentes étapes que peut traverser un couple lorsque la dépression s’installe chez l’un des partenaires.
L’HISTOIRE DE JESSICA
D’un regard extérieur à la relation, Jessica vivait le parfait bonheur avec Sébastien, son amoureux de longue date. Il semble toujours y avoir eu beaucoup de chimie entre ces deux-là. « Le sexe entre nous c’est passionné, c’est vrai et ça me comble tellement ! » voilà le genre de discours que Jessica tenait à propos de sa vie sexuelle avec Sébastien. « On est vraiment sur la même longueur d’onde quand on fait l’amour ». Cette relation, elle ne l’échangerait pour rien au monde.
Par contre, récemment, Jessica a remarqué un changement dans ses envies sexuelles. « On dirait que j’ai moins le goût qu’avant. Ce n’est pas que je n’ai pas envie, mais plus que je n’ai pas le temps d’avoir envie de faire l’amour, je n’ai pas de temps pour ça… En fait, on dirait que je n’ai plus le temps ni le goût de le faire. C’est comme si je n’avais plus le goût de rien faire… » Entre le boulot, les cours de yoga, la préparation des repas de la semaine et toutes les tâches ménagères, Jessica se sent débordée. « Je suis tellement fatiguée, je ne peux pas croire ! Je dois manquer de vitamines, faire une mononucléose ou quelque chose comme ça… ». Eh bien non, ce que Jessica vit, c’est plutôt ce qui s’apparente à un grand mal-être intérieur, celui de la dépression majeure. « Une dépression ? Pas question ! Pas moi… De toute façon, c’est dans la tête, ça… Et qu’est-ce que Sébastien en dirait ! En plus, je ne vois pas quel lien la dépression pourrait avoir avec ma libido ».
LA DÉPRESSION, UN MAL RÉEL
Le mal de la dépression est de moins en moins tabou et de mieux en mieux compris par la société. Il reste toutefois beaucoup de chemin à faire quant à l’acceptation de cette maladie, en particulier lorsqu’elle s’installe dans notre vie ou dans celle d’un de nos proches. La personne frappée par la dépression peut se sentir seule et sans ressources, jugée ou incomprise.
L’information sur la dépression est essentielle afin d’être en mesure de mieux la comprendre, et de saisir qu’il s’agit d’un mal réel.
D’un point de vue physiologique, la dépression à un impact sur l’ensemble de l’organisme. C’est comme si le corps était dans un état de fatigue extrême et qu’il décidait de se mettre en veille, refusant ainsi de répondre à certaines commandes. La personne dépressive ressent souvent un vide intérieur, une absence de sensations, laissant comme unique sentiment, le mal-être.
COMMENT LA DÉPRESSION PEUT AFFECTER LE COUPLE
« Un diagnostic de dépression majeure, je ne trouve pas que c’est une excuse valable à donner à son chum quand il se demande pourquoi j’ai plus envie de me coller ou de me faire l’amour avec lui. J’ai peur qu’il se tanne… ou encore qu’il croit que je ne l’aime plus ».
Jessica est loin d’être la seule dans cette situation. Bien souvent, les personnes en couple ayant reçu un diagnostic de dépression majeure ont peur de l’impact que ça aura sur leur relation amoureuse, s’inquiètent de ce que leur chum ou leur blonde en pensera. La situation peut être difficile, tant pour le partenaire qui souffre de la dépression, que pour celui qui devra l’accompagner. Cette épreuve demande une grande adaptation au sein du couple.
Dans la plupart des cas, les personnes dépressives perdent l’envie de se rapprocher, de faire des activités en amoureux ou encore d’avoir des relations sexuelles, au même titre que les autres activités du quotidien qui n’échappent pas à une perte d’intérêt marquée. Parfois, les sensations physiques liées aux activités sexuelles diminuent, voire disparaissent. Pour les femmes, une perte de sensation au niveau de la vulve, du clitoris ou du vagin peut être notée, ainsi qu’une difficulté à lubrifier, à ressentir du plaisir ou à atteindre l’orgasme. Chez les hommes, il peut être difficile de maintenir une érection, d’atteindre l’orgasme et les sensations peuvent aussi être diminuées. Les sentiments peuvent également être perturbés par la dépression. Dans certains cas, on a l’impression que le sentiment amoureux disparait, que les papillons s’envolent.
Tous ces changements peuvent affecter l’estime de soi, ainsi que l’évaluation que l’on fait de notre qualité de vie, le plus souvent, à la baisse.
Heureusement, tout cela n’est que temporaire. Les sentiments amoureux, le désir, l’envie d’être avec l’autre reviendront peu à peu, au rythme de la guérison. C’est comme si, le temps de la dépression, le corps prenait une pause et mettait en suspens ses activités, ses envies, ses sentiments afin de mieux recharger ses batteries.
Comment faire pour traverser cette période sombre dans le couple ?
TOUT EST DANS LA COMMUNICATION !
Communication, soutien, compréhension, délicatesse, respect, amour et patience : voilà des éléments essentiels pour mieux surmonter un épisode de dépression dans le couple.
Comme le sentiment amoureux ou le désir d’avoir une vie sexuelle active n’échappent pas à la « mise en veilleuse » faite par le corps au moment de la dépression, ces changements perçus dans les sentiments ou dans les sensations préoccupent les personnes vivant une dépression. Le questionnement qui en découle, quant aux sentiments amoureux ressentis ou à l’égard de la solidarité du couple, relève souvent d’une (fausse) impression. Il vaut mieux attendre que la dépression passe pour juger de nos sentiments réels envers l’autre. C’est donc plus qu’important, pour la personne qui vit la dépression, de communiquer à son partenaire ses états d’âme, de lui dire ce qui se passe « à l’intérieur » afin qu’il ou elle puisse comprendre, le mieux possible, ce qu’elle vit.
Pour le partenaire, cette période peut aussi être extrêmement éprouvante. Il est difficile de voir l’être aimé sombrer sans pouvoir lui prêter main-forte. Le partenaire a souvent tendance à vouloir « sauver » la personne dépressive. Il faut plutôt respecter le rythme de la maladie, laisser du temps, du temps pour la guérison, et pour la reconstruction. C’est donc à ce moment que le respect, le soutien et la patience (beaucoup de patience !) entrent en jeu. Accompagner dans les démarches d’aide, que ce soit dans le système de santé ou pour un soutien psychologique, peut être aidant. Il faut d’abord soigner la dépression avant de pouvoir prendre soin du couple.
ALLER CHERCHE UNE AIDE EXTERNE À SON COUPLE
Parler de sexe avec son médecin peut parfois être gênant. Pourtant, il peut nous être d’une grande aide. Dans certains cas, la baisse de désir, l’absence de sensations lors des relations sexuelles ou les difficultés à atteindre l’orgasme sont liées à la prise d’antidépresseurs et non à la maladie elle-même. Plusieurs alternatives sont alors possibles, par exemple un changement de médication pour un type d’antidépresseurs ayant moins d’effets secondaires néfastes sur la sexualité.
Parallèlement au suivi médical, amorcer une psychothérapie est une approche presque incontournable afin de mieux comprendre son mal-être et contribuer à le soigner. Par la suite, l’intégration du conjoint ou de la conjointe de la personne ayant vécu une dépression à la thérapie peut être fort bénéfique pour le couple. C’est là l’occasion d’aborder les blessures qu’a causées la dépression dans le couple, de parler des émotions négatives qui flottent autour de cette période sombre, de voir comment on peut recommencer à prendre soin du couple.
BON À SAVOIR !
Question plus pratico-pratique, si on considère que la santé sexuelle s’inscrit dans la santé générale, il peut être bien d’intégrer, si ce n’est déjà fait, de saines habitudes de vie dans notre quotidien. En ce sens, bien s’alimenter (la nourriture sert de combustible à notre corps, c’est notre énergie), être actif (le sport contribue à la sécrétion d’hormones qui génèrent un sentiment de bien-être) et avoir de saines habitudes de sommeil (le sommeil aurait un effet sur l’appétit sexuel) sont de bonnes résolutions afin de mieux soigner ce mal-être de la dépression.