
L’épilation intime, oui ou non ?
13 juillet 2016
L’épilation des poils du pubis chez la femme — et chez l’homme — correspond à une tendance lourde des dernières décennies, pratiquement devenue la norme. C’est ce que révèle une étude récemment publiée dans la section Dermatologie du JAMA Network, par des chercheurs de l’Université de Californie.
Les conclusions de cette étude américaine n’ont surpris personne. Elles illustrent d’une manière sans doute assez juste ce qui se passe également chez nous. Et ce, malgré les campagnes propoils de certaines cyberféministes comme Arvida Byström, ou les appels timides au « retour du poil », ou encore, dès 2010, ces stars qui demandent « ... et si on arrêtait de s’épiler ? »
Mouvement #dyedarmpithair sur Instagram
Pourquoi s’épile-t-on ?
Selon l’étude citée plus haut, 8 femmes sur 10 s’épilent le pubis et 62 % des femmes de 18 à 65 ans ont déjà eu recours au moins une fois à l’épilation intégrale — pratique plus populaire chez les jeunes femmes de 18 - 24 ans.
Contrairement aux idées reçues, la chasse aux poils — autant chez les hommes que chez les femmes — est loin d’être un phénomène récent. Elle remonterait à la Grèce et à l’Égypte antique, et peut-être même à la préhistoire, les motivations différant d’une époque et d’une culture à l’autre.
Aujourd’hui, nombre de femmes qui adoptent l’épilation intégrale ou quasi intégrale du pubis le font aux fins d’activités sexuelles — le cunnilingus, par exemple — ou simplement pour des raisons esthétiques. Cependant, de plus en plus le font pour des raisons hygiéniques, convaincues que c’est « plus propre », croyance qui ne repose sur aucun fondement, si ce n’est la publicité ou autres diktats véhiculés ici et là.
Plus précisément, les raisons invoquées par les 3316 femmes faisant partie de l’échantillon de l’étude américaine sont les suivantes : 59 % pour des raisons d’hygiène, 46 % parce que ça fait partie de la routine, 21 %, car le ou la partenaire a exprimé ce souhait, 56 % en vue d’améliorer les rapports sexuels et 40 % en prévision d’un rendez-vous chez le médecin… pour faire net et soigné !
Ces pratiques correspondent-elles à notre époque « aseptisée » ? On redoute notre côté « sauvage » ou « animal », on se lave beaucoup (trop ?), on tente d’effacer tout signe d’une corporalité naturelle, et l’on tend vers une image aussi satinée que les filtres Instagram.
Selon les standards majoritairement véhiculés, pour être désirable, une femme devrait être éternellement jeune (même juvénile) et lisse sur tous les plans : de beaux cheveux, une peau parfaite, pas de rides, pas de gras, pas de poils… Jusque dans son intimité. Une foule de soi-disant soins sont offerts pour « pimper » le vagin : on peut le teindre, le parfumer, y mettre de la crème, et bien sûr, l’épiler.
Mais à quoi servent les poils ?
On sait que la flore vaginale constitue un système interne d’autoprotection contre les « mauvaises bactéries », soit les bactéries pathogènes nuisibles à l’organisme, et fait en sorte que l’acidité du vagin soit à un niveau de pH défavorable à leur développement. Les poils pubiens servent également d’écran contre ces bactéries et autres particules de poussières ou pathogènes. Ils offrent aussi une protection contre les microblessures pouvant être causées par les frottements, lieux plus susceptibles d’être attaqués par des virus. Ces petits soldats souples agissent tant comme une barrière que comme un coussin, contribuant au contrôle de l’humidité du vagin — ce qui réduit les risques de vaginite — préservant la peau tendre et fragile de la vulve et des lèvres génitales. En fait, le « avec poils » serait plus « hygiénique » que le « sans poils ».
L’épilation est-elle dangereuse ?
L’épilation, quel que soit le moyen, peut provoquer de l’irritation, des mini-coupures, des brûlures ou des poils incarnés (ces derniers causant une inflammation des follicules pileux). Ces blessures, si petites soient-elles, sont une porte d’entrée pour les bactéries, notamment le staphylocoque doré et le streptocoque B, de même que pour la transmission des ITSS dont l’herpès, ou peuvent être à l’origine de la formation de furoncles ou d’abcès.
Pour éviter irritation et blessures, on peut choisir la méthode d’épilation qui convient le mieux à notre peau, notre maîtrise de la technique et nos ressources, et suivre les indications selon la méthode adoptée.
Les défenseurs du poil
Les poils ont leurs ardents défenseurs, par exemple le journaliste Stéphane Rose, qui publiait en 2011 le livre « Défense du poil — Contre la dictature de l’épilation intime ». Selon lui, l’épilation intégrale est devenue un marché et est issue de la pornographie. Dans le même camp, l’actrice Cameron Diaz qui, dans « The Body Book », estime que les poils pubiens « servent de petits rideaux qui rendent votre sexe un peu mystérieux. »
Le mot de la fin
On ne saura jamais ce que Richard Avedon ou Amedeo Modigliani pensent de l’épilation intégrale, encore moins Gustave Courbet — on se souvient de la saga Facebook — L'Origine du monde. On peut toutefois imaginer leur déception, eux qui nous ont tant fait apprécier la beauté naturelle de la femme.
Sie kommen (« Elles arrivent »), Vogue France, 1981 — HELMUT NEWTON
Andy Warhol and members of The Factory,1969 - RICHARD AVEDON
Nu au coussin blanc, 1917 - AMEDEO MODIGLIANI